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Blé dur Le plan de la dernière chance

Christian Watier

Développement d’une offre premium, approfondissement de la contractualisation, modernisation des outils de stockage… La filière blé dur lance un nouveau plan stratégique pour espérer enfin retrouver des surfaces.Par Renaud Fourreaux

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En blé dur, la raréfaction de l’offre est prégnante cette campagne. La qualité laisse à désirer dans plusieurs bassins de production, notamment en France, alors que la production mondiale (30,5 Mt) est au plus bas depuis le début des années 2000. Et malgré la flambée des prix, les surfaces mondiales de blé dur devraient certes remonter en 2022, mais « sans exploser », notait Yannick Carel, chargé d’études chez Arvalis, lors de la 24e journée filière blé dur, le 1er février à La Rochelle. Elles augmenteraient de 10 % en Amérique du Nord, mais seulement de 3 % au niveau mondial, et de 2 % en France.

Depuis le creux de 2019, la sole française peine à retrouver des couleurs en raison d’une succession d’aléas climatiques et des incertitudes sur le prix final, avec une décote qualité pouvant aller jusqu’à 80 €/t. Le différentiel blé tendre/blé dur, pas toujours en faveur de ce dernier, fait hésiter les producteurs, de même que le fort besoin en azote, alors que son accès devient de plus en plus onéreux et incertain.

Face à ce constat alarmant, la filière blé dur a donc décidé une nouvelle fois de lancer un plan stratégique, qui repose sur une étude confiée au cabinet Ceresco (lire ci-dessous) et cofinancée par les différents maillons de la filière.

Un plan en quatre axes

Si le détail du projet n’est pas écrit, quatre axes se dégagent dont celui de créer une démarche blé dur premium. « Un vrai bon sujet pour aller chercher de la rémunération supplémentaire, comme cela existe dans la farine, les œufs ou la bière », valide Jean-François Loiseau, président d’Intercéréales.

Car au contraire des industriels italiens comme Barilla, les acteurs français ne sont pas positionnés sur ce créneau, qui représentait pourtant 15 % des volumes de pâtes commercialisés en France en 2020, et 22 % des ventes, selon Nielsen. Sans être élitiste, le premium pourrait être un consentement à payer de 15 à 20 % en plus pour des promesses de type santé, bien-être, local, éthique, bas carbone, sans insecticides de stockage… Mais Bernard Skalli, président des semouliers et pastiers, prévient : « Il faut construire un cahier des charges blé dur premium français qui englobe la totalité des critères qualitatifs pour apporter des garanties supplémentaires technologiques, organoleptiques, environnementales. »

Nicolas Prévost, de Durum, insiste sur la nécessité d’investir dans des unités de stockage avec davantage de capacités d’allotement, permettant des collectes plus rapides, et dans des méthodes d’analyses rapides (Hagberg, Don) qui ont bien manqué l’an dernier pour ségréguer correctement les lots. Tout en gérant cette dichotomie entre un marché français de plus en plus segmenté et le maintien d’une compétitivité. « Enfin, il n’y aura pas d’avenir dans le blé dur sans recherche spécifique, appuie Éric Thirouin, président de l’AGPB. Il faut qu’on trouve les moyens d’augmenter les financements. »

Viser 15 % sous contrats

Autre axe fort et plutôt peu courant dans cette filière : la contractualisation, notamment entre l’OS et l’agriculteur. L’objectif à trois ans est de couvrir 50 % des volumes destinés au marché français, soit 15 % de la collecte. Cela passe notamment par la mise à disposition d’indicateurs de marché et de coût. La filière compte d’ailleurs sur le nouveau contrat cash-settled (sans livraisons physiques possibles) lancé par Euronext le 11 janvier, même s’il n’y avait toujours pas eu de transactions début février. Semblable au contrat à terme blé meunier, reprenant d’ailleurs ses échéances, il permet aux OS et industriels de fixer des prix dans un marché volatil et à l’approvisionnement discontinu. L’indice est fabriqué à partir des références du marché physique en France (Rouen, Port-la-Nouvelle et La Pallice) et en Italie (Bologne, Foggia et Altamura).

S’il n’y a pas d’objectifs précis, « il faudrait que la production française passe de 1,2-1,3 Mt à 1,6 puis 1,8-2 Mt, tente Jean-François Loiseau. Pour cela, il faudra un plan d’investissement massif, il y a un petit effort de guerre collectif à faire sur une durée courte. Mais si on a une belle feuille de route, les pouvoirs publics seront attentifs pour du cofinancement. »

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